HISTOIRE DE LA VIOLENCE
(CHOC)
Paroles : Romain Isoard
©Sacem 2020
À la sortie de ce théâtre
Où la violence de la vie était dépeinte sans fard :
Le jugement, le racisme,
Les coups, le viol,
La vie de blédard,
-Tu t’es dis -« choqué »-
«C’était beaucoup trop cru»,
-Non-,tu veux dire, beaucoup trop vrai
Choc.
Choc.
Choqué oui,
Choqué que
Ça te choque.
Choc.
Choqué que cette « violence »
Te violente.
Moi la violence,
Mon quotidien depuis l’enfance.
La violence
Enfant, ma berceuse,
La violence
C’est mes souvenirs,
C’est mes cicatrices,
C’est mon éducatrice,
C’est de quoi je suis fais,
De quoi je suis né.
La violence
Oui je l’ai subie,
Elle m’a marqué
A jamais,
Mais construit
Pour le mieux, pour la vie.
La violence
M’a rendu fiévreux
M’a fait tomber.
M’a fait grandir beaucoup trop vite,
Mais m’a donné soif de vie.
La violence,
C est elle qui m’a élevé.
La violence c’est celle aussi qui m'a relevé;
C’est celle aussi qui m’a donné
Aujourd’hui l'envie, la poésie
Alors la violence,
La montrer comme elle est,
Car oui,
La vie, c’est ca aussi !
La violence
C’est le point de départ de nos vies
De toute création, de toute envie;
C'est ce qui nous constitue
C'est la vérité de nos êtres
C’est la vérité de notre ère
Nous sommes tant sur cette terre
À être constitués par la violence;
Si tu devais effacer, éliminer
Tous ceux, minorités,
Ou dit« faibles », du doigt, pointés,
Noirs, arabes, femmes, pauvres, ou pédés,
Qui grandissent dans la violence
Qui grandissent en silence,
En violence,
La violence qu’on leur impose,
Que l’état, les grands leur mettent en dose,
La violence qu’on leur fracasse
Sur l’arcade et sur l’épaule,
Sans rien pourtant qui console
Alors qu’ils n’ont même pas
L’âge de comprendre et d’encaisser
Dis moi….dis moi je t’écoute,
Qui reste-il ?
Alors choc. Choqué oui,
Choqué Que Ça te choque.
Choc.
Moi Ça me choque
Que Ça te choque,
Choc.
La violence
J'ai toujours eu le sentiment
Que c’était le socle fondateur
De ce que l’on est -TOUS-..
Et à partir de ça,
De ce moment la,
La meilleure manière
De DEFAIRE la violence
C’est d’EN PARLER.
Au fond tu sais,
Rien n’est plus opposé à la violence
Qu’une -PAROLE-, sur la violence.
Plus on parle de la violence,
Plus on a des chances de la voir,
Les yeux grands ouverts,
Sans tourner la tête,
De l’interroger,
Et donc de trouver,
Des manières
De l’affronter,
De la combattre.
Dans les Arts,
La violence
Je trouve qu'il n'y a rien de plus beau,
Parce qu’il n’y a rien de plus vrai.
Alors oui,
Tu vois sur cet écran sur cette image,
Dans ce théâtre ce soir,
La violence
De cet être heurté, violé,
Qui t’en parle,
Tout nu, ensanglanté,
De cette violence
Mise a nue
Comme il l’a vécu,
Histoire vraie.
Alors oui, Ça me choque,
Ça me choque
Que ça te choque
Choc.
Choc.
La violence
C’est mon point de départ
Et je ne suis pas violent pour autant
Je n’aime juste pas l hypocrisie
De ceux qui n ont rien vécu,
Qui ne l’on pas connu :
« Qui voudraient plus de poésie
Ou de suggestion
Plutôt que « cette impudeur,
Ce déballement »
Et qui a coup de censure
Voudraient effacer de nos livres
De nos lignes, de nos scènes
De nos pupilles
La violence.
Qui jugent que ce qu’ils voient
Est trop obscène,
Est trop réel,
Ou trop violent -Dérangeant.-
Oui c’est violent ce que tu vois là,
Ça frappe ça juge ça viole ça saigne,
Ça fait « des trous dans ton karma »
Mais moi là,
C est que ce que j’ai en dedans
Pour moi ce ne fut pas
Que du théâtre du cinema
Le réel c’est ça
La violence c’est ça
Le viol c’est ça
C’est ça qu’on ressent
Là
C’est ce qui est dépeint
Là
Sur ces planches,
Que d’un regard
Tu détournes pour ne pas voir;
Quand tu l’as vécu,
Bien heureux tu es
De voir qu’on montre à tous,
De façon si brute mais si juste,
Cette vérité,
Ces blessures,
Que je croyais être seul à ressentir.
Les partager,
Qu’ils les partagent :
C’est m’apaiser.
Alors choc, je suis choqué, oui,
Choqué Que Ça te choque.
Choc.
Moi Ça me choque
Que Ça te choque,
Choc.
…Un peu déçu même,
Une surprise
Une déception
Que toi aussi,
Mon ami
Ne puisse voir,
Ne veuille voir
Cette violence
Qui hurle,
Qui frappe,
Qui cogne
Qui crache,
Qui viole,
Qui saigne
Sur cette scène,
Sur cet écran
Que moi j’ai vécu
Tant de fois,
Pour de vrai
En dedans.
………
Violent pour moi
Plus rien au fond ne le sera
Puisque la violence pour moi
S’appelle la vie.
……….SOUVIENS TOI mon ami…
Mal nommer les choses,
C’est ajouter au malheur du monde,
Le laisser triompher ……….
Choc
Choc
Choc.
À Paris, le 26 janvier 2020